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Les Juifs Algériens Dans La Lutte Anticoloniale

LES JUIFS ALGÉRIENS DANS LA LUTTE ANTICOLONIALE DE PIERRRE-JEAN LE FOLL-LUCIANI Presses Universitaires de Rennes, Mai 2015. Livre de 541 pages dont un cahier de 72…

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LES JUIFS ALGÉRIENS DANS LA LUTTE ANTICOLONIALE DE PIERRRE-JEAN LE FOLL-LUCIANI Presses Universitaires de Rennes, Mai 2015. Livre de 541 pages dont un cahier de 72 photos. Un nouveau livre vient d’être publié aux Editions Universitaires de Rennes en France, sur l’engagement des juifs algériens dans la Guerre de Libération Nationale. Dialogue de l’auteur avec Ariel Danan, docteur en histoire, responsable de la médiathèque Alliance Baron Edmond de Rothschild. C’est un livre fondé sur des entretiens biographiques menés avec une quarantaine d’anciens militants, sur des sources privées et sur des fonds d’archives souvent inexplorés et donc inexploités. L’ouvrage met en exergue les éléments qui ont mené ces personnes à prendre des trajectoires dissidentes de Juifs algériens, militants communistes. C’est aussi une réflexion générale sur le rapport des juifs algériens à la question coloniale. Comment cette communauté à la présence millénaire sur le sol algérien a réagis à l’aspiration à l’autodétermination et à l’indépendance ? L’ouvrage pourrait ainsi contribuer à la construction d’une histoire des juifs d’Algérie, du communisme algérien et, plus généralement, de la société algérienne colonisée et nouvellement indépendante, par le bas. Les récits et témoignages de l’auteur sont extrêmement importants, puisqu’ils nous présentent des informations de premières mains de témoins et d’acteurs de la Révolution algérienne, qui sont restés inconnus, et dont l’évocation même, relevait du tabou. « Pour nous qui venions à peine d’avoir l’âge de raison en ces jours d’humiliation, ces années de jeunesse ont à jamais marqué notre vie et c’est pourquoi nous sommes fiers de l’injure qu’on nous lançait comme un opprobre : Oui, nous sommes des juifs indigènes algériens… Et après ? Vous n’aurez pas notre cœur contre un certificat de nationalité dont vous vous servez comme d’un couperet de guillotine. » L’allusion au décret Crémieux est claire. Les juifs d’Algérie n’étaient pas à vendre. C’est une chose de profiter d’une opportunité pour améliorer sa situation et son statut, mais c’en est une autre de se renier et de retourner sa veste. Ainsi, nombreux ont été les juifs qui ont directement participé à la Guerre de Libération Nationale, et dont presque personne ne parle. « Oui, nous sommes des juifs indigènes algériens… Et après ? ». Ces lignes ont été diffusées clandestinement durant la guerre d’indépendance, dès 1957. Elles ont été rédigées par des juifs algériens qui étaient nés citoyens français vers 1930, puis déchus de la citoyenneté française durant la deuxième Guerre Mondiale et le Gouvernement de Vichy. Ils sont devenus des militants communistes algériens avant de rejoindre le FLN dès 1956. Ils ont ainsi bouleversé le monde colonial en prenant fait et cause pour la cause algérienne. Ces hommes et ces femmes se sont engagés pour une Algérie décolonisée et socialiste dont ils deviendraient citoyens à part entière, participant pleinement au Mouvement National, aux combats dans la clandestinité et subissant la répression tout au long la guerre d’indépendance, puis durant les premières années de l’indépendance. Dans l’introduction de l’ouvrage, notons un certain nombre de passages intéressants : « J’ai perdu sept ans de ma vie : deux ans parce que j’étais Juif, trois ans parce que j’étais Français, deux ans parce que j’étais Algérien 1. » C’est en ces termes que Georges Hadjadj, né en 1921 dans une famille juive de Kabylie, résume – lors d’un entretien réalisé en janvier 2007 – ce que les identités juridiques qui lui ont été imposées et l’identification politique qu’il s’est choisie ont coûté à son existence : deux ans d’exclusion du lycée français, de 1941 à 1942, parce que le régime de Vichy le considérait comme juif ; trois ans de mobilisation dans l’armée française, de 1943 à 1945, parce qu’il était né citoyen français ; et deux ans d’emprisonnement durant la guerre d’indépendance, de 1957 à 1959, parce qu’il se considérait – et agissait – comme un Algérien en lutte pour l’indépendance nationale. Cette situation est assez représentative du véritable statut des juifs d’Algérie de l’époque coloniale. Cet ouvrage, issu d’une thèse soutenue en juin 2013, et propose une analyse du parcours de ces militants – qui se voulaient souvent citoyens algériens – dans les premières années de l’État algérien indépendant et jusqu’à leur départ d’Algérie, survenu majoritairement avant le milieu des années 1970 ». C’est aussi un questionnement des réalités, à l’épreuve la définition des catégories politiques et identitaires de la société coloniale algérienne et de la société algérienne indépendante, ainsi que certaines grilles de lecture jusqu’ici employées dans l’écriture de l’histoire de l’Algérie coloniale en général et dans celle des juifs d’Algérie et du mouvement anticolonialiste algérien en particulier. L’historiographie des juifs d’Algérie face à la « francisation » et aux relations judéo-musulmanes D’origines diverses mais probablement issus pour une large part de familles présentes dans le nord de l’Afrique bien avant la conquête arabe du VIIe siècle, les juifs autochtones, au nombre d’environ 26 000 (hors M’Zab) en 1830 – date du début de la conquête de l’Algérie par l’armée française –, sont rapidement l’objet d’une attention spécifique de la part des autorités conquérantes. Dès 1845, leur vie communautaire et religieuse est en effet prise en charge, sur le modèle du judaïsme français, par des consistoires dépendant de l’administration française, et en 1870, les 35 000 « israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français » par un décret de naturalisation collective connu sous le nom de décret Crémieux. Devenus citoyens français de plein droit, ils sont, en application des lois de la Troisième République, scolarisés à l’école française et, pour les hommes, soumis aux obligations militaires, ce qui contribue à sceller, de manière a priori croissante, le sentiment d’appartenance de nombre d’entre eux à la collectivité française. Une historiographie marquée par une téléologie assimilationniste Depuis le XIXe siècle, l’historiographie des juifs du Maghreb est parcourue de forts enjeux politiques, liés tant à la « question juive » qu’à la « question coloniale », ainsi que l’ont montré les travaux de Colette Zytnicki, qui permettent d’appréhender les soubassements politiques de l’idée, encore répandue dans les travaux historiques, d’une course à l’« assimilation » qui aurait animé des juifs d’Algérie quasi-unanimes avant comme après 1870. Les premières histoires françaises des juifs d’Algérie, écrites entre le milieu du xixe siècle et les années 1930 par des juifs de France, proposent en effet un récit téléologique tendu vers l’« émancipation » et la « francisation », présentées comme des faits positifs et nécessaires. C’est en fonction de cette téléologie que sont alors analysées la vie juive avant l’intrusion coloniale et les réactions des juifs à cette intrusion, et c’est en ce sens que cette historiographie peut être qualifiée à la fois d’assimilationniste et de coloniale : née en contexte colonial, les récits qu’elle produit sur la condition précoloniale des juifs contribuent à légitimer la colonisation en général et certaines politiques coloniales en particulier. Malgré des nuances importantes d’un auteur à l’autre et la prégnance d’une conception cyclique de l’histoire (alternance de périodes noires et heureuses), ces premiers historiens, sans toujours insister sur le statut juridique de dhimmi, présentent une vision sombre de la condition juive en terre d’islam, et particulièrement des temps précédant immédiatement la conquête. Significativement, cette vision, répandue chez ceux qui, parmi les juifs de France, souhaitent l’« assimilation » des juifs d’Algérie, s’assombrit de plus en plus à mesure qu’ils se heurtent à l’opposition d’antisémites français et européens d’Algérie dans le dernier tiers du XIXe siècle – Adolphe Crémieux affirmant par exemple, face aux remises en cause de son décret, que « la France » a fait sortir les juifs de « dix-huit siècles d’avilissement et de persécutions ». Bien plus, il s’agit alors, pour les partisans de l’« assimilation », de prouver que les juifs dans leur ensemble ont pris le parti des autorités françaises dès la conquête, et qu’ils étaient en quelque sorte des citoyens français en attente. À ce titre, ce qui est nommé les « facultés d’assimilation », l’intelligence ou encore la perméabilité à l’influence française des juifs sont mises en avant et opposées à la supposée inassimilabilité des musulmans, et plus particulièrement des Arabes. De manière générale, les juifs sont présentés, à travers une vision européo-centrée et à partir de l’exemple de commerçants, intellectuels et notables communautaires, comme une population de « passeurs » entre plusieurs mondes, ce qui aboutit notamment à les extraire de l’histoire des sociétés maghrébines en insistant sur leur (supposée) position charnière et frontalière voire, pour les descendants des séfarades (juifs d’Espagne réfugiés au Maghreb aux XIV-XVe siècles), sur leur (supposée) européanité. En même temps, et malgré toutes les vertus qu’ils prêtent aux juifs d’Algérie, des observateurs juifs venus de France au XIXe siècle comme au XXe siècle décrivent avec condescendance une société juive « superstitieuse, marquée du sceau de l’inculture et de l’arriération», afin de mieux défendre une « mission civilisatrice » qui doit être menée par des envoyés juifs de France et « régénérer » les juifs d’Algérie en les extirpant de l’influence – jugée néfaste et tyrannique – de leur environnement musulman. Parallèlement au « mythe kabyle » et à d’autres mythologies coloniales se construit ainsi un « mythe juif », qui s’inscrit pleinement dans le discours de justification raciale de la colonisation. Ce discours, qui contribue à l’évolution dans les représentations des catégories définissant les groupes « indigènes », appuie également une véritable « chirurgie sociale », dont le décret Crémieux est l’une des manifestations les plus spectaculaires dans l’histoire de l’Algérie coloniale. Les récits de la condition précoloniale des juifs ont certes beaucoup évolué après la Seconde Guerre mondiale, à la suite notamment des travaux de Robert Brunschvig et d’André Chouraqui, qui tendent à insérer les juifs dans le contexte général des sociétés dans lesquelles ils vivent et cherchent à historiciser, en fonction des lieux et des contextes socio-politiques, les relations judéo-musulmanes et la condition de dhimmi. Pour prendre une meilleure mesure de cette intéressante étude, reprenons quelques extraits de l’introduction du livre rédigé d’abord, dans le cadre de sa thèse de doctorat, avant d’être publié sous forme de livre destiné au grand public. La vision téléologique de juifs d’Algérie tendus et engagés inéluctablement dans une « marche » vers la « francisation » continue de peser dans les travaux d’André Chouraqui, ainsi que sur une partie de l’historiographie récente. Souvent, des travaux demeurent également marqués par l’emploi de catégories de l’époque plus ou moins revisitées telles que « assimilation », « émancipation », « progrès », « tradition » ou encore « entrée dans la modernité », autant de notions extrêmement floues et au vocabulaire orienté, qui ne peuvent constituer des catégories satisfaisantes d’analyse des processus historiques décrits. Cette vision participe notamment à biaiser l’étude de la « politique juive » menée par les colonisateurs et l’appréhension de la diversité des réactions des juifs à cette politique. Historiciser la « politique juive » des colonisateurs français Il est clair que le remodelage de l’organisation communautaire juive à l’exemple des consistoires israélites français, l’application du décret Crémieux, ou encore la scolarisation des enfants juifs dans des écoles « israélites » et/ou publiques tendant à les « désorientaliser » et à en faire des Français, s’inscrivent dans la politique coloniale française. Les débats qui animent les partisans et opposants de ces mesures sont d’ailleurs centrés sur des enjeux proprement coloniaux. Après la conquête, certains militaires jugent en effet dangereux le fait de s’appuyer sur des juifs – utilisés localement comme auxiliaires dès 1830 pour leurs compétences linguistiques et leur connaissance du pays. Du point de vue des autorités françaises, cette politique répond en effet à des nécessités objectives de la colonisation : outre la pratique courante consistant à s’attacher la « loyauté » d’une partie de la population du territoire conquis en lui donnant les moyens de participer à la domination ou aux bénéfices de l’entreprise coloniale, dans le cas des juifs d’Algérie, les milieux coloniaux craignent très vite que les réseaux commerciaux des élites juives ne leur échappent durablement et ne courtcircuitent l’économie coloniale. En 1840, on compte environ 26 000 juifs en Algérie, soit le double de la population française –, la nécessité de « libérer » les juifs est en effet un argument employé pour justifier une implantation plus forte de l’État, utile à la mainmise sur le territoire algérien – particulièrement dans les villes – comme au contrôle des activités économiques des juifs. Les travaux de Joshua Schreier sur les juifs d’Oran entre 1830 et 1870 visent précisément à analyser comment ceux qu’il appelle, à la suite de militaires français, les « Arabes de religion juive », se sont diversement positionnés face à la campagne dite d’« assimilation » entamée dans les années 1840. Il insiste sur la diversité des réactions face aux velléités des juifs de France et de leurs auxiliaires d’Algérie de les « civiliser » – depuis la synagogue jusqu’à l’intimité des foyers –, et met en avant tant ceux qui ont résisté à ces processus « civilisationnels » qu’ils percevaient comme des volontés de contrôle, de surveillance, ou de dépersonnalisation culturelle, que ceux qui, parmi les élites locales, percevant bien les nouvelles sources de pouvoir et de privilège qui les accompagnaient, s’y sont investis et les ont remodelés en fonction de leurs propres intérêts. Nulle source n’indique ainsi que la naturalisation collective ait été massivement souhaitée et accueillie avec satisfaction par les juifs d’Algérie en 1870. Le sénatus-consulte de 1865, qui permettait aux « indigènes » juifs comme musulmans d’obtenir individuellement la citoyenneté française contre l’abandon du statut personnel religieux, tend plutôt à prouver que fort peu de juifs désiraient alors être Français : sur 35 000 juifs « indigènes », seuls 200 à 300 sollicitent la citoyenneté française entre 1865 et 1870, et environ 150 l’obtiennent. À la suite de cet échec, Adolphe Crémieux affirme à la Chambre des députés qu’il ne faut pas proposer mais bien imposer d’en haut la citoyenneté aux juifs d’Algérie car, dit-il, leur religion leur interdit de se rebeller contre les lois d’un État. Mais la naturalisation collective est à son tour mal acceptée par des juifs, qui refusent l’abandon de leur statut personnel religieux…». Les relations judéo-musulmanes à l’épreuve de la situation coloniale L’historiographie des relations judéo-musulmanes dans l’Algérie sous domination arabo-berbère, ottomane puis française, est également parcourue de fortes charges politiques. Pour les périodes les plus anciennes, les connaissances restent à ce jour incertaines, du fait d’un manque de sources et de la prégnance de mythologies radicalement opposées : existent en effet, d’une part, une légende noire des rapports intercommunautaires en terre d’islam et, d’autre part, une légende dorée quant à la « tolérance » islamique, la symbiose judéo-musulmane ou encore l’accueil à bras ouverts dans les pays musulmans des juifs expulsés d’Espagne aux XIV-XV siècles. Juifs algériens anticolonialistes, Catégorisations, dénominations, identifications « Les juifs » : une catégorie sociale en Algérie coloniale L’expression « juifs d’Algérie » est généralement préférée, dans les productions scientifiques et dans le langage courant, à celle de « juifs algériens », à la différence de ce qui se produit pour les juifs du Maroc et de Tunisie, plus volontiers nommés « juifs marocains » et « juifs tunisiens », ce qui s’explique par le fait que seuls les premiers ont été faits citoyens français. Or, ce « d’Algérie », qui fait écho à l’expression « Français d’Algérie », dénote une certaine extériorité par rapport au territoire, et renvoie ainsi à une question cruciale dans l’histoire des minorités en général et dans celle des juifs en particulier. L’écriture de l’histoire des juifs est en effet marquée par l’idée – largement répandue par l’antisémitisme européen – que les juifs constituent une excroissance dans les sociétés où ils vivent, ainsi que par l’idée – notamment popularisée par l’idéologie sioniste – qu’étant un « peuple » en diaspora et structurellement persécuté, les juifs « en exil » ne font jamais réellement partie des sociétés dans lesquelles ils sont minoritaires. À l’encontre de cette vision, on doit affirmer qu’au même titre que les autres groupes sociaux, les juifs « sont dans l’histoire » : « leur devenir est l’une des facettes du devenir des sociétés dont ils font partie » et, « en retour, le devenir de ces sociétés façonne celui des Juifs ». Cependant, il ne fait aucun doute que de manière générale, « les juifs » sont reconnus et identifiés comme tels par l’ensemble des individus et groupes du monde social algérien – ce qui ne veut pas dire qu’ils sont partout et toujours réduits à leur judéité, ni que cette reconnaissance résulte systématiquement de sentiments antijuifs. L’existence de quartiers juifs, d’une endogamie « religieuse » écrasante – surtout avant la Seconde Guerre mondiale – et de sociabilités massivement pratiquées dans un entre-soi juif font partie des manifestations visibles de l’existence de ce groupe. Et sans que l’on puisse distinguer ce qu’il y a de « réactif » à l’antisémitisme dans ce phénomène, les juifs d’Algérie se considèrent très majoritairement comme tels, et ce quel que soit leur rapport au judaïsme – c’est-à-dire aux croyances et aux pratiques religieuses juives – et à la judéité – c’est-à-dire au fait et à la manière d’être juif 39 –, étant bien entendu que la judéité n’est pas le pôle unique et exclusif d’appartenance et d’identification de tous ceux qui se disent juifs. Objectifs, méthode et sources de l’étude biographique Étudier des trajectoires dissidentes De la majorité de ces militants anticolonialistes juifs algériens, on peut en effet dire qu’ils furent successivement ou simultanément, de leur naissance à leur départ d’Algérie, issus de familles culturellement arabo-berbères mais juridiquement françaises, citoyens français mais discriminés comme juifs, identifiés comme juifs mais communistes et athées, Français d’Algérie mais politiquement Algériens, citoyens algériens mais non musulmans. Ces individus viennent en effet rompre en pratique, par leurs actes et dans maints domaines de leur existence, avec la « fiction collective » qui structure le « système des identifications sociales » dominantes, et sont porteurs – sciemment ou non – de nouveaux noms, de nouvelles places, de nouvelles relations sociales, de nouvelles identifications, et d’« une possibilité de monde qui se rend perceptible et met en cause l’évidence d’un monde donné ». Pour étudier ces trajectoires dissidentes, l’étude biographique menée à partir de sources mémorielles présente le grand intérêt de donner de la chair, donc de la complexité, à l’histoire humaine. On peut considérer qu’un récit de vie rend compte de la traversée par un individu, au cours de son existence, d’une succession de lieux et de groupes de socialisation et d’appartenance. En confrontant les sources mémorielles à des sources de l’époque étudiée, l’étude biographique vise précisément à restituer les trajectoires individuelles en les articulant aux trajectoires de ces group